Le 25 juin à la salle Colbert de l’Assemblée nationale, les 4e Rencontres nationales de l’eau publique ont réuni élus, experts, chercheurs et acteurs du secteur pour rappeler que l’eau est plus que jamais un enjeu politique, territorial et citoyen. Cette édition a marqué un tournant : l’eau doit être au cœur des campagnes municipales de 2026.
Une urgence politique partagée

Accueillies par les députés Jean-Claude Raux et Jean-Michel Brard, les 4e Rencontres nationales de l’eau publique ont souligné l’urgence de replacer l’eau au cœur des politiques publiques locales. Pour le député Jean-Claude Raux les véritables avancées viendront de la conjugaison des forces des acteurs : élus locaux, scientifiques, citoyens et professionnels de santé. Il appelle à une gestion publique de l’eau, en tant que bien commun essentiel.
Christophe Lime, président de France Eau Publique, a rappelé l’ambition du réseau : dépasser les postures de contestation pour devenir force de proposition, avec un cap clair pour les élections municipales.
Une opinion publique déjà mobilisée

Le docteur en science politique Antoine Bristielle a présenté les résultats de l’enquête nationale de l’Institut Terram « Eau sous tension. Les français face aux enjeux de l’eau sur leur territoire », révélant que :
- 72 % des Français estiment que la qualité de l’eau se dégrade
- La confiance va d’abord aux collectivités locales (70 %) pour gérer l’eau
- Une majorité déclare être mal informée (6 français sur 10), tout en souhaitant d’être mieux informés
- Les jeunes générations sont plus inquiètes et prêtes à fournir des efforts (changer leurs comportements, payer plus pour le service…)
Les élus face à leurs responsabilités



Les interventions ont souligné que l’eau traverse toutes les compétences : santé publique, urbanisme, agriculture, biodiversité, énergie… Pour Anne Grosperrin (Métropole de Lyon), trop longtemps technicisée, la politique de l’eau doit retrouver ses finalités sociales et démocratiques. À Lyon, une Assemblée des usagers a vu le jour pour redonner la parole aux citoyens.
Jean-Michel Brard a insisté : l’eau reste un sujet souvent oublié des politiques, malgré les tensions croissantes. Il rappelle que les maires sont responsables pénalement de l’eau, et qu’ils doivent donc se former et s’investir.
Pour Hubert Ott, l’élu doit se poser les bonnes questions politiques, car la technique découle des objectifs. Et Denis Schultz a souligné la nécessité d’une solidarité amont/aval et d’un engagement fort de l’État, encore trop absent selon lui.
La seconde table ronde des Rencontres nationales de l’eau publique a donné la parole à plusieurs représentants de la gestion publique de l’eau : Dan Lert (Eau de Paris), Sylvie Cassou-Schotte (Bordeaux Métropole), Hervé Paul (Eau d’Azur), Danielle Mametz (SIDEN-SIAN Noréade) et Nicolas Juillet (SDDEA). Ensemble, ils ont démontré que la gestion publique est non seulement une réponse adaptée aux défis de long terme, mais aussi un levier d’innovation, de solidarité et d’intégration des politiques publiques.
Dan Lert a souligné que la gestion publique permet d’agir rapidement, sans dépendance à des contrats rigides. Elle offre la souplesse nécessaire pour anticiper, prévenir plutôt que guérir. À Paris, chaque euro est réinvesti dans la qualité du service.
Hervé Paul a poursuivi en montrant comment Eau d’Azur a su associer l’eau et l’énergie : en produisant de l’électricité, la régie a gagné en autonomie et en efficience, tout en répondant aux obligations de sobriété énergétique.
Danielle Mametz, de son côté, a insisté sur le rôle d’animation territoriale des régies : elles ne sont pas de simples gestionnaires techniques, mais de véritables acteurs de développement local, qui intègrent sobriété, planification foncière et accompagnement des territoires.
Nicolas Juillet a rappelé que la recherche et l’innovation ne sont pas l’apanage du privé : dans l’Aube, le syndicat mutualise les savoirs, expérimentent des solutions fondées sur la nature, et collaborent avec d’autres services publics.
Une seconde série d’échanges a porté sur les liens entre la gestion de l’eau et les autres politiques publiques.

Sylvie Cassou-Schotte a illustré la manière dont Bordeaux a intégré la tarification sociale dans sa politique de solidarité, avec désormais une automaticité de l’aide pour 18 000 ménages grâce à un partenariat avec la CAF. Elle a insisté : « l’eau n’est pas un bien marchand mais un bien commun ».
Dan Lert a évoqué la démarche Agri Paris Seine, qui vise à préserver les captages en soutenant une agriculture durable. Il a appelé à sanctuariser les zones de captage, soulignant l’importance des coopérations ville-campagne.
Hervé Paul a rappelé que la régie permet d’interconnecter efficacement politique de l’eau et politique énergétique. Il a dénoncé les rigidités des délégations de service public (DSP), peu adaptées aux contextes d’urgence ou de transition écologique.
Danielle Mametz a partagé son expérience dans le Nord, où la régie engage les acteurs économiques à intégrer la contrainte eau, encore largement ignorée par certaines industries comme les data centers.
Enfin, Nicolas Juillet a plaidé pour une approche moins stigmatisante du monde agricole, souvent montré du doigt. Il a appelé à des politiques agricoles plus cohérentes et intégrées aux dynamiques de l’eau.
En somme, tous les intervenants ont démontré que la gestion publique est un outil moderne, adaptable, ancré dans les territoires et au service de la transition écologique et sociale.
Un temps d’échange convivial pour prolonger les débats

À l’issue des interventions et des tables rondes, les participants ont été conviés à un cocktail déjeunatoire au siège de la FNCCR. Ce moment convivial a permis de prolonger les échanges de manière informelle, de renforcer les liens entre élus, techniciens et partenaires, et de faire émerger de nouvelles pistes de coopération en vue des échéances municipales de 2026.